Les terres de Shawbridge sont défrichées dès les années 1820 alors que les premiers colons s’y installent. Compris dans la paroisse de Saint-Jérôme, le territoire est occupé par des catholiques, mais rapidement une communauté protestante se développe dans le secteur de Shawbridge. Parmi ses familles souches, on retrouve les Cleary, les McAllister et les Foster. Longtemps considéré à tort comme le premier colon du secteur, William Shaw et son épouse Martha Maria Matthews ne sont arrivés que vers 1831, alors que d’autres ont déjà commencé à peupler les terres de Shawbridge. Au milieu des années 1840, un petit noyau villageois se forme près de la rivière du Nord, à mi-chemin entre Saint-Jérôme et Saint-Sauveur. Mount Pleasant est utilisé pour désigner ce secteur qui rappelle le nom d’une municipalité d’Irlande située dans la région de Kilkenny. Jusqu’à la fin des années 1850, ce terme est couramment utilisé[1]. Il semble qu’à partir de 1860, le nom Shawbridge remplace celui de Mount Pleasant. En 1843, un recensement établit la colonie à 52 colons et vers 1850, la communauté anglo-protestante y est majoritaire.
Le changement s’est produit lorsqu’un bureau de poste est implanté dans la petite localité. Le nom de Shawville est suggéré, mais il est refusé par le maître général des postes de la Province du Canada. On adopte alors Shawbridge, probablement en lien avec le pont qui est situé tout près de l’emplacement du premier bureau de poste. Le nom rappelle celui de William Shaw, un citoyen particulièrement engagé dans le développement du secteur. À la suite de cette nomination pour le bureau de poste, la population locale utilise aussi ce vocable pour désigner le village.
Contrairement à la croyance populaire, M. Shaw n’est pas le bâtisseur ni le propriétaire du pont Shaw. Celui-ci est construit en 1849 par André Lesage, un citoyen de Lesage, à la demande d’Augustin Norbert Morin, le fondateur de Sainte-Adèle. M. Morin avait fort à bénéficier d’un chemin d’accès vers l’ouest de la rivière du Nord alors qu’il développait les terres plus au nord. William Shaw n’a possédé le pont que pendant un an, de 1863 à 1864, avant de le revendre à la Corporation du Comté de Terrebonne. Alors, d’où vient l’origine du nom Shawbridge? Comme les terres de M. Shaw étaient à promixité du pont, il est fort possible que le vocable soit issu de l’appellation locale du nom, tout comme il était fréquent de nommer un chemin selon le nom de la famille qui y habitait.
Shawbridge possède des magasins généraux, une beurrerie ainsi que quelques industries, dont la fabrique de briques rouges possédée par la famille Shaw et l’usine d’attelages d’Honoré Latour. Pour répondre aux besoins de la population, une première chapelle protestante est construite au milieu du 19e siècle puis remplacée par une église plus spacieuse en 1861 (aujourd’hui l’Église-Unie). Les citoyens catholiques fréquentent les églises des secteurs environnants, plus particulièrement Saint-Sauveur et Saint-Jérôme, puisqu’il faut attendre 1909 pour qu’une première chapelle soit construite.
En mai 1894, un incendie détruit presque tout le village de Shawbridge. Les magasins et le bureau de poste sont rasés par les flammes et seules quelques maisons échappent au sinistre. L’église aurait aussi été épargnée et selon les légendes, ce serait grâce aux prières du révérend, agenouillé sur le porche. En 1901, le téléphone fait son apparition. C’est finalement le 27 avril 1909 que la corporation du village de Shawbridge est constituée civilement.
À la fin du 19e siècle, le transport est assuré par deux réseaux de chemins de fer, le premier opéré par le Canadien National et l’autre par le Canadien Pacifique. Ces derniers desservent deux gares dans le secteur de Shawbridge et une autre à Lesage. C’est grâce au train qui embarque les touristes montréalais en direction de Shawbridge que le petit village connait son essor dès le début du 20e siècle. Les premiers colons ont d’abord vécu essentiellement des produits de leurs terres, mais comme celles-ci sont peu productives, le tourisme devient rapidement un moteur économique important pour la population locale. Des maisons de pension et des auberges ouvrent leur porte pour accueillir des villégiateurs, été comme hiver. À l’époque où seul le train permet de « monter dans le nord », Shawbridge est un arrêt incontournable pour les amateurs de plein air. Durant l’hiver, les skieurs peuvent parcourir la fameuse piste de ski fond Maple Leaf trail, tracée par Jackrabbit, qui débute d’ailleurs à cet endroit, ou aller descendre les pentes du Vieux-Prévost, à l’ouest de la rivière. L’été, les vacanciers profitent d’une baignade dans la rivière du Nord et de l’air pur de la région. Cependant, dans les années 1960, la pollution de la rivière du Nord et la disparition des pistes de ski font baisser l’achalandage touristique. Le territoire s’urbanise et les hôtels et maisons de pension ferment leur porte. L’agriculture disparaît peu à peu au profit des maisons unifamiliales et des commerces de services voient le jour tout particulièrement le long de la route 117.
Dès 1970, la question d’une éventuelle fusion avec les deux villages voisins est discutée par le conseil municipal. Contrairement à Lesage, dont la majorité de la population est francophone, le territoire de Shawbridge possède un bassin de citoyens anglophones. Au moment des discussions, la rivalité s’incarnait avec vigueur dans les positions opposées des maires Henri Renaud, de Lesage, et d’Albert Duval, de Shawbridge. Le 20 janvier 1973, les villages fusionnent sous le nom de Corporation municipale de Shawbridge, malgré des oppositions au sein de la population. Le choix du nom de la future municipalité, ou plus particulièrement de la langue choisie, a d’ailleurs fait couler bien de l’encre. Finalement, le vocable change pour celui-ci de Prévost en 1977.
[1] Ce nom a été identifié entre autres dans un acte de baptême protestant en 1846 et dans une publicité dans le journal Montreal Witness en 1858.